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L'encyclopédisme
médiéval
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La perception
généralement négative de l'époque médiévale
(le Moyen Âge est souvent, mais faussement, considéré
comme une période sombre et décadente de l'histoire de l'humanité)
peut s'expliquer en partie par le déclin de l’activité intellectuelle
qui a suivi la disparition de nombreux ouvrages de science et de philosophie
due aux invasions des peuples germaniques. Cependant, bien que la période
allant du VIIe au XIe siècle constitue une période de stagnation
intellectuelle brièvement interrompue, et de façon superficielle,
par la Renaissance carolingienne1,
et bien qu’elle présente « un net recul en regard du savoir
grec plus avancé »2,
cet état de fait ne saurait justifier cette perception négative
du Moyen Âge.
Si l’activité
intellectuelle a ralenti à cette époque, elle ne s’est toutefois
pas arrêtée, car bien qu’ils ne furent pas très nombreux,
« quelques hommes cependant [prirent] conscience de la lourde tâche
qui leur [incombait], celle de sauver et de transmettre l’héritage
de l’Antiquité »3.
Parmi ces hommes, nous retrouvons entre autres Boèce, saint Augustin,
Cassiodore, Isidore de Séville et Bède le Vénérable
dont les œuvres occuperont une place très importante dans le développement
de la philosophie, de la théologie et de la science médiévales.
De plus, si
le
Haut Moyen Âge a vu un ralentissement important de l’activité
intellectuelle, il en va tout autrement de la période suivante.
En effet, l’intense activité de traduction des ouvrages grecs et
arabes qui commence au XIe siècle et dont l’apogée se situe
au XIIe siècle4
fera du XIIIe siècle une période de grand foisonnement intellectuel
qui s’illustre de plusieurs façons. L’une d’entre elles est la création
des ordres mendiants, les Franciscains et les Dominicains, dont la bonne
formation intellectuelle était nécessaire à une lutte
efficace contre les hérésies grandissantes et dont les nombreux
déplacements leur permettaient de répandre « partout
une culture intellectuelle et religieuse qui a le mérite d’être
à jour »5. Ajouté
à ceci, l’accroissement du nombre de bibliothèques, d’écoles
et de lecteurs6, mais surtout
la création des universités d’Oxford (1214), de Bologne (1219)
et de Paris (1221)7 où
s’épanouiront des intellectuels tels que Robert Grosseteste, Albert
le Grand, Thomas d’Aquin et Roger Bacon, ainsi que la redécouverte
d’Aristote, qui provoquera de nombreux débats au sein des universités
d’Oxford et de Paris, nous permettent d’affirmer que le XIIIe siècle
représente l’apogée intellectuelle du Moyen Âge.
Parmi toutes
les formes qu’a pu prendre le développement intellectuel au XIIIe
siècle, l’apparition de nouvelles encyclopédies constitue
l’un des résultats majeurs de ce nouveau dynamisme intellectuel.
En effet, l’intense activité de traduction du XIIe siècle,
qui apporta à l'Occident chrétien un ensemble d’éléments
des plus divers allant « de la Métaphysique d'Aristote à
des recueils alchimiques ou magiques en passant par l'astronomie de Ptolémée,
la géométrie d'Euclide, la médecine de Galien et d'Hippocrate
»8, a fait naître
le besoin de mettre à jour et d’ordonner l’ensemble des connaissances
disponibles. C’est donc entre 1175 et 1275 que l’encyclopédisme
médiéval connaît son âge d’or avec l’apparition
de cinq grandes encyclopédies : le De naturis rerum de Alexandre
Neckam composé vers la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle,
le De naturis rerum de Thomas de Cantimpré dont la rédaction
s’étend de 1228 à 1244, le De proprietatibus rerum
de Barthélemy l’Anglais composé entre 1230 et 1250, le Speculum
majus de Vincent de Beauvais achevé vers 1257-1258 et finalement
le Compendium philosophiae dont la rédaction par un auteur
inconnu s’est achevée vers l’année 13009. |
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1. René Taton (dir.), La science
antique et médiévale (des origines à 1450), Paris,
Presses Universitaires de France, Histoire générale des sciences,
tome 1, 1957, page 517. Retour |
2. Yves Gingras, Peter Keating et Camille
Limoges, Du scribe au savant. Les porteurs du savoir de l’Antiquité
à la révolution industrielle, Montréal, Boréal,
1998, page 115. Retour |
3. René Taton (dir.), La science
antique et médiévale (des origines à 1450), Paris,
Presses Universitaires de France, Histoire générale des sciences,
tome 1, 1957, page 519. Retour |
4. David C. Lindberg, « The Transmission
of Greek and Arabic Learning to the West », in David C. Lindberg
(éd.), Science in the Middle Ages, Chicago, University of Chicago
Press, 1978, page 62. Retour |
5. Jacques Paul, Histoire intellectuelle
de l’Occident médiéval, Paris, Armand Colin, 1973, page 275.
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6. Michel De Boüard, « Réflexions
sur l’encyclopédisme médiéval », in Annie Becq
(dir.), L’encyclopédisme. Actes du Colloque de Caen, 12-16 janvier
1987, Paris, Klincksieck, 1991, page 287. Retour |
7. Ces deux universités jouissaient
respectivement d’un grand prestige pour les sciences naturelles et la théologie
et étaient, avec l’université de Bologne, les grands centres
scolaires de la Chrétienté. Voir Jacques Paul, Histoire intellectuelle
de l’Occident médiéval, Paris, Armand Colin, 1973, pages
287-288. Retour |
8. Pierre Michaud-Quantin, « Les
petites encyclopédies du XIIIe siècle », in Maurice
De Gandillac, et al., La pensée encyclopédique au Moyen Âge,
Neuchatel, Éditions de la Baconnière, 1966, page 105. Retour |
9. Voir Michel De Boüard, «
Réflexions sur l’encyclopédisme médiéval »,
in Annie Becq (dir.), L’encyclopédisme. Actes du Colloque de Caen,
12-16 janvier 1987, Paris, Klincksieck, 1991, pages 285, mais aussi l’article
de Pierre Michaud-Quantin, « Les petites encyclopédies du
XIIIe siècle » dans Maurice de Gandillac, et al., La pensée
encyclopédique au Moyen Âge, Neuchatel, Éditions de
la Baconnière, 1966, pages 105-120. Retour |
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